Résumé :
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Durant trois siècles, des Napolitaines des quartiers pauvres ont consacré un culte aux crânes de défunts anonymes des épidémies et des guerres. Ces pratiques discrètes et souterraines ont toujours été considérées comme relevant d’une superstition construite sur de prétendus rapports contractuels d’échange de bons services entre les dévotes et les âmes en peine auxquelles elles auraient apporté leurs suffrages par la prière, de façon exactement symétrique aux divers cultes propitiatoires. Pour répondre à ces lectures échangistes qui privilégient le rapport interindividuel et utilitaire, nous voudrions ici tenter de déceler le sens profond de cette dévotion que Michel Vovelle a lui-même qualifiée d’« exception dans l’exception ». Plutôt que motivés par le souci du donnant-donnant, nous voudrions montrer que les paroles incantatoires ainsi que les gestes ritualisés dans lesquels ce culte des âmes du Purgatoire s’incarne offrent en fait les conditions traditionnelles de la constitution d’une forme sociale à travers laquelle ces femmes ont pu se solidariser.
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